ACID 2025/

Laurent dans le vent d’Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon

© Cahiers du Cinéma

Laurent dans le vent d’Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon

ACID 2025ActualitésCritiqueFestival de Cannes 2025

Publié le 16 mai 2025 par Fernando Ganzo

Qu’est-ce qu’un personnage de cinéma ? Pour certains metteurs en scène démiurges, un pion, un symbole, un jeton jeté dans la machine impitoyable du destin, comme c’est le cas des fêtards dans le désert d’Oliver Laxe (Sirat). Pour d’autres, une esquisse, une créature légère qui n’a d’autre compte à rendre au récit que celui de se laisser emporter par son errance, les aléas de l’être rivalisant d’imprévisibilité avec ceux du monde qu’il nous fait découvrir. C’est le cas de l’institutrice dans la neige de L’Engloutie (Louise Hamon, Quinzaine des cinéastes), mais c’est surtout celui de Laurent, filmé par le trio déjà auteur de Mourir à Ibiza. De Laurent, on sait très peu. On ne sait même pas qu’il ne va pas bien, au début. On sait juste qu’il laisse ouvert aux rencontres le temps a priori bref qu’il compte passer dans une station de ski des Alpes.

Vieille dame solitaire qui s’abandonne à la mort, jeune homme rêvant d’une vie de viking : Laurent aide ceux qu’il croise sur son chemin et bizarrement, il leur fait du bien. Parfois il s’accroche à eux, lors de conversations où un projet de vie s’esquisse. Les mots donnent consistance à un quotidien qui, d’exceptionnel, pourrait devenir ordinaire. Il faut imaginer un récit pittoresque à la Guiraudie qui se nourrirait de la densité des échanges de Rohmer, et faisait surgir les affects et les désirs avec la plus grande simplicité.

Voir le film à Cannes dévoie une de ses valeurs essentielles. Ce n’est pas seulement Laurent qui se prête au hasard, mais la station, la ville de vacances, les champs des bergers, tout ce territoire que Balekdjian, Couture et Eustachon filment ici. Touristique, codifié par les saisons, les commerces et les loisirs, le lieu accepte néanmoins dans ses flancs la différence entre les êtres, un vagabondage de l’âme qui l’emplissent d’une vie insondable : celle de la fiction. Accueillant cette galerie de personnages mystérieux et émouvants, les paysages de Laurent dans le vent symbolisent tout ce qu’un festival comme celui de Cannes, autoproclamé vertueux, ne peut qu’écraser sous le poids de ses apparences.

On reviendra, à Laurent, car c’est tout simplement l’un des films les plus importants vus ici jusqu’à présent. Son premier plan, parachutage dément du récit, est entré dans notre mémoire pour l’emporter dans son envol.

Fernando Ganzo

 

À lire également :

Partager cet article

Anciens Numéros