
La musique et la poudre : Entretien avec Bill Plympton
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Publié le 6 novembre 2025 par
Alors que Duel à Monte-Carlo del Norte arrive sur nos écrans, Bill Plympton livre les clés de ce voyage psychédélique en western.
Commençons par la technique. À l’évidence, dans Duel à Monte-Carlo del Norte, le crayon de couleur domine.
C’est pour moi une technique d’animation nouvelle, je ne l’ai utilisée auparavant que quand j’étais illustrateur de presse pour le New York Times ou Rolling Stone. Je l’adore, mais elle explique ma lenteur, parce que c’est un travail très soigné : il faut commencer par toute la partie bille, appliquer ensuite le crayon, puis adoucir la texture avec une gomme. D’habitude, j’utilise plutôt le stylo à bille, et colorie ensuite au crayon.
La musique est tout aussi lente, et bien que tous vos films soient musicaux, celui-ci, dont le titre original est Slide, l’est plus que les autres.
Oui, j’aime la musique country, j’écoutais Johnny Cash, Hank Williams et Patsy Cline quand j’étais jeune, et j’ai toujours voulu faire un film mêlant country et animation, un peu comme les vieux studios Fleischer ont intégré Cab Calloway et tout le jazz des années 1920 dans leurs dessins animés. J’ai une guitare slide, exactement comme celle du film. J’en jouais dans les clubs, les bars, mais je pratiquais peu, je passais mon temps à dessiner, même si avec Maureen McElheron, qui a aussi composé pour le film, on avait un groupe.
Le western a-t-il aussi baigné votre jeunesse ?
Absolument. Dans les années 1950, la mode était aux films de cow-boys, Roy Rogers, Davy Crockett. J’avais des pistolets, des bottes, un chapeau de cow-boy quand j’étais gosse, et j’ai toujours pensé que le western, c’était drôle. Je viens de l’Oregon, au nord de la Californie, un environnement de montagnes, de forêts, de l’industrie du bois. Je cherchais à montrer ce que c’était que grandir dans la nature, mais aussi privé de culture : jamais un musée, une pièce de théâtre, seulement la télé.
Vous citez Johnny Guitare au début.
J’ai plutôt pensé à Clint Eastwood, Unforgiven et tous ces westerns avec un justicier qui arrive en ville pour éradiquer la corruption. Et puis Blazing Saddles de Mel Brooks, un de mes films préférés. Si ces deux cinéastes étaient cartoonistes, ils feraient Duel à Monte-Carlo del Norte ensemble !
Votre film se focalise sur les armes.
C’est vrai, avec beaucoup de méchants, puisqu’ils rendent un film intéressant ; et puis je voulais faire claquer la poudre, pan, pan, pan ! Mais c’est la musique qui guide l’ensemble, donc c’est finalement un film anti-guns.
Comment s’est réparti le travail avec votre épouse, Sandrine ?
Je l’ai rencontrée ici même, au festival d’Angoulême, elle est portraitiste et designer, c’est une remarquable artiste, en particulier une coloriste merveilleuse. C’est sur le dessin et les couleurs qu’elle a le plus nourri le film.

Pourquoi une aussi longue attente, presque dix ans, depuis La Vengeresse ?
Au bout de deux ans de production, le Covid a frappé, l’argent manquait, les cinémas ont fermé, les festivals aussi, les écoles, les studios d’animation. Or je tire mon revenu de présentations et de cours, alors il a fallu trouver des jobs alimentaires : des clips, des spots publicitaires, du documentaire…
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Vous ne collaborez plus avec Jim Lujan, le coréalisateur de La Vengeresse ?
Après Les Amants électriques, que je trouve réussi, je voulais tenter quelque chose de différent. J’aime beaucoup les films de Jim, très brefs, très crus. Je lui ai proposé que l’on travaille ensemble sur La Vengeresse, il était très enthousiaste. Ce n’est pas un grand dessinateur, mais il a un style unique. J’aime sa façon d’écrire les dialogues, il connaît les cultures, les parlers différents, il a une excellente oreille, et moi, je suis mauvais en dialogues.
Qu’est-il arrivé à votre série Trump Bites ?
Comme vous le savez, j’ai été dessinateur politique pendant quinze ans dans la presse écrite. Quand Trump est arrivé au pouvoir, des amis m’ont dit vouloir faire une série animée utilisant des extraits de ses discours, j’ai trouvé ça parfait, c’était le point de rencontre entre mes deux métiers et surtout ma détestation de Trump. On a tourné ces courts pour le site du New York Times, ce qui nous a attiré beaucoup de publicité. L’émission d’un commentateur politique de la Fox, Sean Hannity, ultraconservateur et pro-Trump, s’est fait écho de notre série, en montrant des extraits, et là, déferlement de lettres, menaces de mort… La mauvaise publicité a fini par décourager le New York Times, qui a interrompu la production.
Entretien réalisé par Thierry Méranger au Festival du film d’animation d’Annecy, le 17 juin 2023.
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