
Partir un jour de Amélie Bonnin | Fiche film
Hors compétition 2025
Publié le 6 mai 2025 par La rédaction
L’avis de la rédaction
Cotations : ● inutile de se déranger ★ à voir à la rigueur ★★ à voir ★★★ à voir absolument ★★★★ chef-d’oeuvre
Olivia Cooper-Hadjian : ★
Fernando Ganzo : ★
Charlotte Garson : ★
Thierry Méranger : ★
Yal Sadat : ★
Marcos Uzal : ★
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« Face aux Français » par Yal Sadat
Fiche technique
Réalisation : Amélie BONNIN
Scénario/dialogues : Amélie BONNIN, Dimitri LUCAS
Casting :
Juliette ARMANET
Bastien BOUILLON
François ROLLIN
Tewfik JALLAB
Dominique BLANC
Pays : France
Production : Topshot Films, Les Films du Worso, France 3 Cinéma
Distribution : Pathé Films
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27 mai 2025 à 10:00
Festival de Cannes : une ouverture face aux Français
Deux salles, deux ambiances, une même France. Plateau de TF1 : le président, jupitérien autoproclamé, donne sa vision des enjeux (inter)nationaux qui attendent la nation, dans une émission spéciale intitulée « Emmanuel Macron – Les défis de la France ». Cannes, Grand Théâtre Lumière : le festival s’ouvre en brandissant lui aussi les grands défis planétaires, regardés depuis une mère patrie qui se rêve au centre du jeu. Les J.O. de Paris sont passés par là, et on devine une envie de croire dans les puissances du show à la française. Même lorsqu’il s’agit d’aborder les sujets délicats ? Surtout dans ce cas-là.
Moustachu comme jamais, Laurent Lafitte donne le ton. Entre The Artist et une sorte de Tom Selleck cocorico, il s’acquitte du rappel de rigueur sans trainer : en ces lieux lustrés, Mesdames-Messieurs, on reste conscient du monde. S’avance Juliette Binoche, présidente non jupiterienne, papesse du cinéma bien-de-chez-nous mais engagé – voile blanc de mater dolorosa, lyrisme débridé, inventaire à la Prévert des injustices d’ici et de là-bas. Difficile de ne pas évoquer la photojournaliste Fatma Hassouna, tuée par un missile israélien à Gaza et sujet du documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk de Sepideh Farsi (Acid). Puisqu’elle était presque muette, on s’attendait à ce que la grande famille du cinéma local saisisse l’occasion de se donner une (éphémère ?) voix d’actrice sur ce sujet-là.
Même limonade politico-glamour que chaque année ? Oui et non. Ici transpire non seulement l’intention de prouver que le cinéma peut quelque chose (vielle rengaine), mais aussi cette conviction en vogue que la France peut exercer un soft power culturel à même de sauver le monde, de réenchanter les âmes meurtries comme l’a fait Hollywood. Ils avaient Lynch, on a Mylène Farmer : la Franco-Canadienne met son timbre au service d’un hommage au génie indirectement englouti par les feux dantesques de Los Angeles. Prélude à un autre effort de réenchantement littéral, moins rivé sur les lointaines terres dévastées que sur le cœur du pays lui-même : celui du film d’ouverture Partir un jour d’Amélie Bonnin. Devenus adultes, les ados français du XXᵉ siècle tardif continuent, après L’Amour ouf, de faire le bilan au son de leurs tubes favoris. Occasion de reconnecter affectivement et socialement : rentrée dans son village après l’infarctus de son père, une gagnante de Top Chef (Juliette Armanet, douceâtre et anxieuse comme la France) goûte au clivage Paris-Province. Il est vite transcendé par des numéros musicaux underplayed – de Dalida à K. Maro en passant par les 2Be3 –, chantés par les personnages sans danser ou bien en s’interrompant au milieu, comme si l’on se souvenait brutalement qu’on n’était pas à Hollywood.
Où l’on voit que le sujet très C à vous du transfuge de classe en plein come-back est devenu une manne, ou un vernis sociologique voué à justifier un projet de mélodrame somme toute inoffensif. C’est d’ailleurs lorsque le sirop nostalgique s’assume comme tel (sans se chercher un objet politique bidon) que Partir un jour se montre décent, presque aussi aimable que la popote du restoroute tenu par les parents de l’héroïne (symbole du retour à la terre après les cimes parisiennes). Mais dans cette mission-prétexte que se donnent les mélos populaires aujourd’hui – retrouver une patrie sympa quitte à l’inventer, bricoler un récit national et musical pour créer un liant entre classes et régions –, il y a quelque chose d’aussi forcé qu’un discours de Macron. De l’état de la France et de sa cuisine, on n’apprendra rien ici, mais on retiendra au moins que c’est dans les vieux pots qu’on chante la meilleure soupe.
Un autre geste de la cérémonie trahit inconsciemment le désir français de se mettre en scène comme peuple uni : la mise à l’honneur de l’Amérique, qui a su s’illustrer en la matière – et qui vole le show. Tarantino surgit comme un diable à ressort pour sonner le début des festivités façon Monsieur Loyal, et pour donner un grand coup de pied dans les mises en scène guindées du début, montrant qu’il reste le showman cannois de 1994 – avec lui, pas de réel social : « vive le cinéma », c’est tout. De Niro et sa palme d’honneur remise par DiCaprio arrivent au contraire à l’heure, en phase avec la sidération d’une part de leur peuple. Dignes, aussi soudés qu’un Trump et un JD Vance qui seraient tombés du côté clair de la Force, les deux acteurs choisissent les mots justes pour convoquer l’actualité. De Niro défend Cannes comme « marché d’idées », tandis que la Maison-Blanche « autocratique » et ses droits de douane asphyxiant l’art sont « des menaces contre la démocratie » auxquelles réagir « de façon non-violente mais organisée ». À l’écoute de cette petite musique si pragmatique, professionnelle, concrète, on se dit qu’en effet, en matière de soft power, ces gens-là ont fait du beau travail. La France a du chemin à faire. Keep up the good work.
Yal Sadat
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Actualités, Festival de Cannes 2025, Hors compétition 2025
Festival de Cannes : IA pas photo
C’est un éléphant dans la pièce qui bouscule la raison d’être du cinéma, voire agite la menace de son remplacement. On l’appelle « l’Entité » dans Mission: Impossible – The Final Reckoning, programmé au début des festivités : il s’agit bien sûr de l’intelligence artificielle. Elle a rôdé comme un spectre d’un bout à l’autre du festival, s’invitant dans les films et les débats institutionnels accueillis un peu partout sur la Croisette.
The Final Reckoning l’érige en déesse destructrice à même de faire la pluie, le beau temps et surtout l’hiver nucléaire – n’eût été l’intervention pétaradante de Tom « Ethan Hunt » Cruise. Alors que s’amorce la dernière ligne droite de l’édition 2025, un autre objet présenté hors-compétition boucle la boucle en convoquant à son tour l’IA – de façon moins directe, et plus franco-française : La Venue de l’avenir de Cédric Klapisch, avec entre autres Suzanne Lindon et Vincent Macaigne. On a les Ethan Hunt qu’on mérite.
Quel est cet avenir qui vient ? Celui de la France, rien de moins. Klapisch le médite poétiquement, pâquerette à l’oreille, en plongeant paradoxalement dans le passé artistique du pays. Un groupe de lointains cousins issus de milieux variés hérite d’une vieille maison normande : occasion de se replonger dans la vie de sa propriétaire originelle, Adèle Vermillard (Suzanne Lindon), une aïeule campagnarde montée dans le Paris artistique de 1895. Là encore, après Partir un jour et le calamiteux Connemara (adaptation de Nicolas Mathieu par Alex Lutz), la France recolle les morceaux éparpillés de son identité.
Mais il s’agit aussi de l’avenir du cinéma, et des techniques qui viennent le bouleverser. Au centre du récit se trouve un cinéaste en herbe englué dans des commandes peu gratifiantes, au point de se demander si le médium possède bien un avenir. La biographie de son ascendante lui tend un miroir : la jeune femme découvre la photographie dans une ère où nombre de jeunes gens modernes prédisent la mort de la peinture. Un jeune peintre joué par Paul Kircher se voit raillé par son ami photographe (Vassili Schneider), qui lui répète que son art « ne sert plus à rien ». Mais puisque l’on est en 1895, c’est bientôt le cinématographe qui vient arbitrer leurs chamailleries, en permettant des spectacles plus révolutionnaires encore. Voilà le tout-numérique convoqué en creux, tandis que le film adopte une position digne d’un congrès de la tech organisé par l’Élysée : n’ayez crainte, chers artistes, les outils du futur avancent main dans la main avec le patrimoine ; face à l’algorithme, le cinéma demeurera. Mieux : l’un et l’autre cohabiteront, tels le pinceau et la photo. Orchestrant cette fable où défilent les figures du patrimoine culturel français, Klapisch se pose en réconciliateur des âges et des images.
Il y a pire que cette conception mièvre de la technique : son pendant pessimiste et ringard. Entre Mission: Impossible et La Venue de l’avenir, le sujet s’est invité dans Dalloway de Yann Gozlan (Séances de Minuit). Gozlan regarde le problème avec les lunettes de l’algo-anxiété : une romancière (Cécile de France) tente d’écrire son prochain livre au sein d’une résidence artistique où l’assiste un chatbot vocal au timbre familier (Mylène Farmer). Découvrant que l’ordinateur la surveille pour mieux lui dérober son talent, elle entame un bras de fer sournois contre l’IA, cette fausse amie. Dystopie, vraiment ? Les enjeux semblent familiers et même déjà datés, si bien que cette collection de clichés censés rendre compte de l’incertitude ambiante se condamne à la péremption immédiate. Dalloway, ou les dérives de Chat GPT expliquées à nos grands-mères mortes.
Là où certaines œuvres non-cannoises pensent l’IA au point d’en faire une matière filmique (cf. le travail d’Ismaël Joffroy Chandoutis ou encore Who Said Death is Beautiful? de Ryo Nakajima, présenté au dernier festival d’Annecy), le cinéma visible ici galope à la remorque de la technologie. Malgré la nature cartoonesque de son scénario, peut-être est-ce encore Mission: Impossible qui pose le mieux le problème. Certes, le numérique avale l’humanité, mais le spectacle tient ici à une promesse : c’est bien le corps de Tom Cruise, et non un avatar généré par une machine, qui se cramponne pour de vrai aux fuselages des avions afin d’aller court-circuiter l’apocalypse annoncée. Et si le meilleur moyen de cohabiter avec l’IA n’était pas de chercher à voir plus loin qu’elle, mais de revenir à des fondamentaux cinématographiques vieux comme Buster Keaton ?
Yal Sadat
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