
Sorry, Baby de Eva Victor | Fiche film
Quinzaine des cinéastes 2025
Publié le 6 mai 2025 par La rédaction
L’avis de la Rédaction
Cotations : ● inutile de se déranger ★ à voir à la rigueur ★★ à voir ★★★ à voir absolument ★★★★ chef-d’oeuvre
Olivia Cooper-Hadjian : ★★
Élodie Tamayo : ★★
Marcos Uzal : ★
Fiche technique
Réalisation : Eva VICTOR
Scénario/dialogues : Eva VICTOR
Casting :
Eva VICTOR
Naomi ACKIE
Lucas HEDGES
John Carroll LYNCH
Louis CANCELMI
Kelly MCCORMACK
Alison WACHTLER
Will BLANCHETTE
Celeste OLIVIA
Priscilla MANNING
Pays : France, Allemagne, Israël, Chypre
Distribution : Wild Bunch, Charades
Durée : 104 minutes
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Oui de Nadav Lapid
Maudit oui-oui
Convulsif, fiévreux, impactant, le dernier film de Nadav Lapid – sur un couple d’artistes Israéliens pris dans la tourmente propagandiste de l’après 7 octobre – fait disjoncter le sens commun, en commençant par repenser un duo de mots fondamentaux : le oui et le non.
Y. et Yasmine – pianiste-performeur clownesque et danseuse sexy – se disent oui, à tout. Oui pour s’aimer, baiser, fêter, voire se vendre à des riches, à des corrompus, pour survivre, pour la puissance, pour le jeu. Mais que signifie dire oui à la vie, dans toutes ses intensités et ses promesses, au sein d’un État qui exerce une violence extrême ? Une partition claire, qu’énonce le film : le non résiste, le oui est soumis, le oui est un collabo. Le désir de bonheur et de jouissance se cogne alors aux rappels incessants de la brutalité. Le montage intempestif, au son notamment, est heurté de bips numériques qui annoncent de nouveaux massacres à Gaza, de rumeurs de bombardements, de dialogues à la Gertrude Stein scandant en plusieurs langues le trauma du dernier pogrom, d’accords stridents ou de basses assourdissantes faites pour recouvrir un quotidien devenu insupportable.
Et pourtant ce film dit oui, un oui tonitruant. À quoi ? Au désir de faire du cinéma, même impossible, même monstre. Alors Lapid convoque les forces vives de genres hétérogènes. Le prisme tourne entre le film d’amour épileptique, version Sailor et Lula à Tel-Aviv ; la fiction politique décadente (tel un Pacifiction sous cocaïne), le cartoon brutal, la comédie musicale désespérée, le cirque fellinien, et l’ombre de Tobe Hooper plane sur des décors de piscine à balles. Les curseurs sont poussés au maximum, dans un geyser de couleurs, une explosion de textures sonores, un vortex de mouvements de caméra et d’effets spéciaux. On oscille entre la secousse organique, l’éveil des sens, et l’étourdissement. Ce mouvement contraire épouse celui des protagonistes en crise (on salue au passage l’extraordinaire présence du performeur Ariel Bronz et de l’actrice Efrat Dor) : à la fois affranchis et serviles, performatifs et passifs. Ses images malades restituent aussi une vérité médiatique, à la hauteur du grotesque sordide qui irrigue les réseaux sociaux (à l’exemple de la récente vidéo générée par IA « Trump Gaza Number One »). Plus discrètement, une inquiétude poétique (tenue de film en film depuis Synonymes) traverse la bande quant à la valeur des mots et la justesse des désignations. Et parfois, une décélération plus tendre, un appel à rêver, laissent croire à la possibilité d’un oui non souillé.
Élodie Tamayo
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Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski et The Chronology of Water de Kristen Stewart
Femmes en miettes
De part et d’autre de la Croisette, deux réponses cinématographiques à la violence masculine se faisaient face ce vendredi. Avec Que ma volonté soit faite, présenté à la Quinzaine des cinéastes, Julia Kowalski prolongeait le récit et le geste amorcés avec son court J’ai vu le visage du diable (déjà à la Quinzaine en 2023). L’adolescente polonaise possédée par le démon se nomme désormais Nawojka ; toujours interprétée par l’épatante Maria Wróbel, elle est installée avec son père et ses deux frères dans une ferme française. La veille, L’Engloutie de Louise Hémon réactualisait déjà une mythologie associant le désir féminin à une puissance maléfique, mais semblait ne l’assumer qu’à moitié. La reprise prend ici un tour plus malicieux par la présence d’une « sorcière » tout ce qu’il y a de plus humain (Roxane Mesquida), rendue coupable aux yeux des villageois de la violence libidinale qu’elle éveille chez les hommes. Les actions surnaturelles de Nawojka apparaissent alors comme un juste retour des choses, comme si les projections patriarcales avaient elles-mêmes donné naissance au démon qui se manifeste à travers l’adolescente. Puisant aussi bien dans Carrie que dans le giallo, Julia Kowalski transcende par l’outrance du cinéma de genre l’aspect très explicite de son propos féministe, émeut par les matières que sa mise en scène convoque – boue, glaires et flammes.
Autre forme d’intensité chez Kristen Stewart, dès la présentation de son premier long métrage The Chronology of Water, tout en « motherfucker » affectueux et « I love you » rageurs adressés à son équipe. De même que le diable se manifestait chez Nawojka à travers des visions fragmentaires, le parcours de Lidia (la romancière Lidia Yuknavitch, dont Stewart adapte l’œuvre), marquée par l’inceste, se donne dans le désordre, à la façon d’éclats mémoriels qui reviennent malgré soi. Autre façon de mettre à distance la rage : les mots, qui guident le récit et soutiennent le parcours d’apaisement de l’héroïne, course sans fin pour revenir à soi-même. Elle se déploie comme chez Kowalski à travers un motif sensoriel : celui de l’eau. De ces deux longs métrages se dégage le sentiment que la pleine restitution de l’expérience de ses héroïnes gagne à se donner par morceaux, façon de figurer la difficulté à faire tenir ensemble les injonctions contradictoires. Qu’il faut montrer le monde en miettes pour mieux en imaginer un autre.
Olivia Cooper-Hadjian
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