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Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski et The Chronology of Water de Kristen Stewart

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Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski et The Chronology of Water de Kristen Stewart

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Publié le 19 mai 2025 par Olivia Cooper-Hadjian

Femmes en miettes

De part et d’autre de la Croisette, deux réponses cinématographiques à la violence masculine se faisaient face ce vendredi. Avec Que ma volonté soit faite, présenté à la Quinzaine des cinéastes, Julia Kowalski prolongeait le récit et le geste amorcés avec son court J’ai vu le visage du diable (déjà à la Quinzaine en 2023). L’adolescente polonaise possédée par le démon se nomme désormais Nawojka ; toujours interprétée par l’épatante Maria Wróbel, elle est installée avec son père et ses deux frères dans une ferme française. La veille, L’Engloutie de Louise Hémon réactualisait déjà une mythologie associant le désir féminin à une puissance maléfique, mais semblait ne l’assumer qu’à moitié. La reprise prend ici un tour plus malicieux par la présence d’une « sorcière » tout ce qu’il y a de plus humain (Roxane Mesquida), rendue coupable aux yeux des villageois de la violence libidinale qu’elle éveille chez les hommes. Les actions surnaturelles de Nawojka apparaissent alors comme un juste retour des choses, comme si les projections patriarcales avaient elles-mêmes donné naissance au démon qui se manifeste à travers l’adolescente. Puisant aussi bien dans Carrie que dans le giallo, Julia Kowalski transcende par l’outrance du cinéma de genre l’aspect très explicite de son propos féministe, émeut par les matières que sa mise en scène convoque – boue, glaires et flammes.

Autre forme d’intensité chez Kristen Stewart, dès la présentation de son premier long métrage The Chronology of Water, tout en « motherfucker » affectueux et « I love you » rageurs adressés à son équipe. De même que le diable se manifestait chez Nawojka à travers des visions fragmentaires, le parcours de Lidia (la romancière Lidia Yuknavitch, dont Stewart adapte l’œuvre), marquée par l’inceste, se donne dans le désordre, à la façon d’éclats mémoriels qui reviennent malgré soi. Autre façon de mettre à distance la rage : les mots, qui guident le récit et soutiennent le parcours d’apaisement de l’héroïne, course sans fin pour revenir à soi-même. Elle se déploie comme chez Kowalski à travers un motif sensoriel : celui de l’eau. De ces deux longs métrages se dégage le sentiment que la pleine restitution de l’expérience de ses héroïnes gagne à se donner par morceaux, façon de figurer la difficulté à faire tenir ensemble les injonctions contradictoires. Qu’il faut montrer le monde en miettes pour mieux en imaginer un autre.

Olivia Cooper-Hadjian

 

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