
Nino de Pauline Loquès | Fiche film
Semaine de la critique 2025
Publié le 6 mai 2025 par La rédaction
Fiche technique
Réalisation : Pauline LOQUÈS
Scénario/dialogues : Pauline LOQUÈS
Image : Lucie BAUDINAUD
Casting :
Théodore PELLERIN
William LEBGHIL
Salomé DEWAELS
Jeanne BALIBAR
Pays : France
Production : Blue Monday, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma, France 2 Cinéma
Distribution : Jour2fête, The Party Film Sales
Durée : 96 minutes
À lire également :

Actualités, Critique, Festival de Cannes 2025, Semaine de la critique 2025
Ciudad sin sueño de Guillermo Galoe
Futur antérieur
« Alors on vit des ombres de feu, et ces ombres de feu, c’était le futur.
– Raconte-nous le futur !
– Encore ! Non, Toni, toi, raconte-leur. »
Ce futur conjugué au passé du conte, immémorial, est celui d’un village d’or, survolé d’oiseaux colorés et baigné de trois fleuves : le premier de lait sucré, le second de vin, le troisième de café. Son histoire est narrée lors d’une veillée animée à La Cañada Real, l’un des plus grands bidonvilles d’Europe situé dans la banlieue de Madrid, où cohabitent des communautés roms et marocaines. Guillermo Galoe y a construit collectivement son premier long, développé d’après un court qui en posait déjà les fondations – Aunque es de noche (repéré à Cannes et couronné d’un Goya).
Le film, très simple dans sa fiction, brosse la fin d’un temps : le démantèlement d’un monde (détruit pour des raisons de spéculation immobilière) dédoublé par la sortie de l’enfance du protagoniste. Le présent du quotidien et de la débrouille se voit creusé et amplifié des songes de ce qui aurait pu être ou de ce qui aura été ; de tous les temps rêvés ajoutés aux temps vécus.
C’est que le désœuvrement de l’enfance donne accès à la durée : pour errer, jouer, imaginer des mondes alternatifs. Le film n’idéalise certes pas un lieu privé des ressources les plus élémentaires (comme l’électricité) ou engourdi par le trafic de toxiques. Mais il s’attache à peindre une culture affranchie : des champs à perte de vue plutôt que les clapiers des HLM et l’invention de rythmes propres, festifs, intempestifs, familiaux, rituels. Au son, les chants, cris, vrombissements de quads et aspirations de vapoteuses, donnent un souffle vital au site. À l’image, la transfiguration opérée par Rui Poças (brillant chef opérateur, entre autres pour Miguel Gomes) est saisissante. Les prises de vues réalistes, proches des visages et mobiles, alternent avec des tableaux qui nous emportent dans des mondes multiples : des nuits de Ribera aux hallucinations chromatiques de David Hockney. C’est que les enfants, par le biais des filtres de leur portable, documentent leur espace et y projettent tous les possibles d’une faune et d’une atmosphère surnaturelle.
On aurait tort de rejeter ce principe comme un artifice esthétisant : cette lumière aura été là, cette maison imaginaire aura été construite, ce grand-père fort comme un roc aura été aimé, et ces couleurs à la limite du spectre sensible auront été imprimées dans nos rétines.
Élodie Tamayo
À lire également :
Ciudad Sin Sueño de Guillermo Galoe | Fiche film
Sélection de Semaine de la critique 2025
Tableau des étoiles de la Semaine de la critique 2025
par Élodie Tamayo
Actualités, Critique, Festival de Cannes 2025, Semaine de la critique 2025
Un fantôme utile de Ratchapoom Boonbunchachoke
Déclaration de revenants
Le cinéma n’a évidemment pas attendu le premier long métrage de Ratchapoom Boonbunchachoke pour répondre à la question existentielle et rhétorique d’Alphonse (de Lamartine) : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme / Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? ». C’est donc dans le sillage des films séminaux de Segundo de Chomon et pas si loin des plus récents Rubber de Quentin Dupieux ou Yves de Benoit Forgeard, que le cinéaste thaïlandais s’attache dans un premier temps à livrer une vision animiste du monde. Son originalité est de convoquer les ressources inépuisables du film de fantômes et de proposer d’abord une fable sentimentale qui, sur fond d’alerte écologique, joue avec une vraie drôlerie de son potentiel comique. Tout est donc affaire de possession lorsque l’âme des victimes de la pollution s’empare des objets liés à la tragédie qu’ils ont vécue. C’est ainsi, parmi d’autres cas, que la belle Nat, logiquement devenue aspirateur, va chercher, après sa mort, à continuer à vivre sa passion pour March. Alors que le premier segment du film traite à sa façon des difficultés du couple mixte pour en explorer les virtualités, succède à une intrigue qui dépoussière Mme Muir – comment vivre sa passion avec l’aimé.e que l’on est seul à voir ? – une version ectoplasmique de Devine qui vient dîner qui fustige la rigidité d’une société thaï refusant toute hybridation. Contre toute attente, le scénario a la bonne idée de ne pas s’arrêter aux conflits (électro)ménagers à la Dartyhausen. Car un autre film, foisonnant, nihiliste et violemment politique commence dès que les revenants collabos aident les humains révisionnistes à se débarrasser des encombrants. La scission, dès lors, s’opère selon d’autres critères. Et la lutte pour le souvenir devient l’enjeu du film qui bascule sans crier gare dans un fantastique horrifique et nihiliste où les sacrifiés de l’histoire récente de la Thaïlande (des manifestations de 2010 en particulier) semblent enfin demander des comptes.
Thierry Méranger
À lire également :
A Useful Ghost de Ratchapoom Boonbunchachoke | Fiche Film
Sélection Semaine de la Critique 2025
Tableau des étoiles de la Semaine de la critique 2025
par Thierry Meranger
étoile 2025, Semaine de la critique 2025
Tableau des étoiles – Semaine de la Critique 2025
L’avis de la rédaction
Cliquez ici pour consulter le tableau des étoiles de la Semaine de la critique
Anciens Numéros