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L’Œuf de l’ange (1985) de Mamoru Oshii

L’Œuf de l’ange de Mamoru Oshii (1985).

L’Œuf de l’ange (1985) de Mamoru Oshii

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Publié le 7 décembre 2025 par Thierry Meranger

Bien que connu des sectateurs de Mamoru Oshii, à jamais ébahis par les deux Patlabor (1990 et 1993) et par l’indépassable Ghost in the Shell (1995), L’Œuf de l’ange, originellement montré en OVA – vendu directement sur support physique –, n’avait jamais connu de sortie nationale en France.

Gageons que sa (re)découverte en salles va permettre au troisième long métrage du cinéaste d’occuper la place qu’il mérite dans une filmographie singulière où la prise de vues réelles (ou tout du moins l’hybridation) semble avoir désormais pris le pas sur l’animation classique.

Le film de 1985 apparaît aujourd’hui comme la démonstration de force d’un cinéaste de 34 ans qui offre, en à peine plus d’une heure, une radicale concentration de l’art visuel et narratif qu’il s’attachera à développer par la suite : dialogues parcimonieux, palette chromatique somptueuse mais limitée, longueur et lenteur des plans, contrastes d’une bande-son oscillant entre silences anxiogènes et envols choraux soudains. L’association d’Oshii et de l’artiste multi-talentueux Yoshitaka Amano, sur le point de créer l’univers graphique du jeu Final Fantasy (1987), accouche d’une œuvre dont la puissance visuelle et sonore saisissante s’impose à contre-courant de l’opacité elliptique d’un scénario qui, entre lyrisme et épure existentielle, se plaît à se jouer des classifications.

Science-fiction postapocalyptique, fable métaphysique, drame psychologique, film d’errance : aucun genre ne suffit à caractériser l’énigmatique rencontre, dans une cité sans âme et sans soleil où des silhouettes fantomatiques s’évertuent à harponner des ombres, d’une préadolescente aux cheveux blancs occupée à préserver un œuf mystérieux et d’un jeune guerrier soudainement apparu dont on ne saura jamais vraiment s’il veut l’aider ou la trahir.

L’Œuf de l’ange de Mamoru Oshii (1985).

de Mamoru Oshii (1985).

L’étonnante prolifération des références chrétiennes, à la fois précises et ambivalentes, semble dès lors une métaphore du film lui-même. Car Théorème n’est pas si loin : le jeune homme, inséparable d’une arme primitive cruciforme, apparaît d’emblée comme un Gabriel dont l’angélisme à la fois inséminateur et exterminateur vient visiter une vierge qui semble tenir entre ses mains et contre son ventre l’avenir de l’humanité.

God in the Shell ? Que l’unique tirade du film évoque parallèlement une version déceptive de l’épisode biblique du Déluge – où la colombe ne revient jamais sur une arche condamnée à toujours dériver – dit la capacité du film à dépasser l’univocité d’une fable de la fécondation pour générer, à mesure des visionnages, d’autres interprétations.

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« Peut-être n’existons-nous que dans la mémoire d’une personne qui a disparu », conclut alors le protagoniste, semblant renvoyer à d’autres références du cinéaste pour inviter à retrouver, en filigrane de certaines scènes – parmi lesquelles la séquence finale et son troublant travelling arrière – l’empreinte mémorielle et séminale de Tarkovski, Hitchcock ou Marker.

Thierry Méranger

L’OEUF DE L’ANGE
Japon, 1984
Réalisation Mamoru Oshii
Scénario Mamoru Oshii
Image Juro Sugimura
Montage Seiji Morita
Son Shigeharu Shiba
Interprétation Mako Hyodo, Jinpachi Nezu
Production Tokuma Shoten
Distribution Eurozoom
Durée 1h11
Sortie Film inédit, version restaurée en salles le 3 décembre.

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