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Histoire coupée, histoire décalée au festival de la Villa Médicis

Fiume o morte ! d’Igor Bezinovi (2025).

Histoire coupée, histoire décalée au festival de la Villa Médicis

ActualitésFestival de Film de la Villa Médicis

Publié le 9 novembre 2025 par Romain Lefebvre

Archives et reenactment animent deux découvertes faites à la 5e édition du festival de la Villa Médicis (Rome).

Mi-septembre, le festival de la Villa Médicis se situe entre une saison de grands rendez-vous (Berlin, Cannes, Locarno, Venise) et le Rome Film Fest, son aîné. De ce calendrier, le directeur Sam Stourdzé et son équipe tirent parti en se détachant des exigences de premières diffusions pour composer une programmation propice aux connexions entre public international et local, écritures expérimentales et grand public (des séances en plein air le soir), projections et travail des artistes pensionnaires (la section « Contrechamp » articulait à d’autres les films de Ben Russell, Thu Van Tran ou Elitza Gueorguieva).

À partir de rushs filmés dans les années 1990 par l’artiste sino-canadien Lloyd Wong alors malade du sida, Lloyd Wong Unfinished de Lesley Loksi Chan (Grand Prix) interroge la réappropriation des archives d’un autre. Si la matière première, entre incrustation vidéo et affichage cru d’un corps et d’une parole, témoigne déjà d’un puissant désir d’affirmer une identité complexe et socialement niée, le choix de la cinéaste d’intégrer à la fois ses propres notes de travail et la multiplication des prises effectuées par Lloyd Wong défont l’illusion de connaissance et de complétude de la mise en récit.

Lloyd Wong, Unfinished de Lesley Loksi Chan (2025).

de Lesley Loksi Chan (2025).

Lire aussi : “L’âge de conscience – Festival de Film de la Villa Médicis 2024″, par Alice Leroy

Un décalage réflexif caractérisait également Fiume o morte! d’Igor Bezinovic, qui revient sur l’épisode improbable de l’occupation en 1919 d’une ville croate par les troupes du poète italien Gabriele d’Annunzio. Fort de nombreuses archives, le film s’éloigne autant du dossier historique que de la reconstitution conventionnelle en choisissant de « retourner » l’histoire avec les habitants actuels de la ville de Rijeka (ex-Fiume). Le transport du passé dans le présent rend à la fois sensible le mélange d’anachronisme et de contemporanéité de l’entreprise fasciste. Comme dans un plan réunissant les sept interprètes amateurs et chauves de D’Annunzio, le décalage est aussi ludique, le plaisir des participants se communiquant au spectateur au fil d’un récit à la fois instructif et enlevé.

Romain Lefebvre

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