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La Disparition de Josef Mengele de Kirill Serebrennikov

La Disparition de Josef Mengele de Kirill Serebrennikov (2025). © Bac Films

La Disparition de Josef Mengele de Kirill Serebrennikov

ActualitésCritique

Publié le 22 octobre 2025 par Yal Sadat

En commençant par une séquence située bien après le décès de Josef Mengele, où le squelette du tortionnaire est présenté à une classe d’étudiants en médecine, Kirill Serebrennikov placarde ses intentions.

Avec cette adaptation du roman d’Olivier Guez, Serebrennikov aborde le biopic du médecin-bourreau d’Auschwitz, connu en tant qu’« ange de la mort », en retournant son bistouri contre lui : l’auteur s’en va inciser et disséquer l’ignominie à cœur ouvert. Début d’un film à l’os ? C’est l’inverse.

L’interprétation à la fois convaincante et en force d’August Diehl, que l’on découvre presque en même temps que le portrait du fameux archange funeste accroché dans sa chambre (pour qui n’aurait pas compris où il met les pieds), s’ajuste à un projet de (dé)monstration grandiloquent et littéral. Le noir et blanc soyeux sera abandonné parfois, lorsque surgissent de fausses images d’archives censées avoir été tournées dans le cabinet du docteur (détenus auscultés, sadisés et exécutés à la chaîne).

Mêlées à un effroyable home movie révélant le bon temps pris par le nazi et sa fiancée en milieu concentrationnaire, ces vignettes se distinguent par leur aspect brut et leurs teintes vives. Comme si la forme des scènes stylisées et sans couleurs ne visait qu’à mieux faire ressortir ce moment d’abjection, où clignote le vieux concept de banalité du Mal.

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Le cinéaste n’a pas grand-chose d’autre à asséner : il s’agit de scruter les yeux grands ouverts et « au présent » les actes du monstre ainsi que sa psychologie de pervers ambitieux muré dans le déni – pour ne pas les laisser se banaliser, précisément, dans les livres d’histoire.

Ici, La Disparition de Josef Menguele s’apparente donc à l’anti-Zone d’intérêt. À la suggestion et au hors-champ, il oppose un théâtre où tout devient visible sans être plus évocateur. Pire, il aboutit à la muséification que dénonçait Jonathan Glazer. C’est flagrant lors d’une réception entre puissants occupés à préparer la Solution finale : la caméra serpente entre les convives pour montrer que tout est là, que l’on n’a oublié personne dans la reconstitution au cordeau. L’observation du Mal prend alors le tour d’une visite au musée Grévin.

Yal Sadat

LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE
(DAS VERSCHWINDEN DES JOSER MENGELE)
Allemagne, France, 2025
Réalisation, scénario Kirill Serebrennikov
Image Vladislav Opelyants
Son David Almeida-Ribeiro, Simon Peter
Montage Hansjörg Weißbrich
Musique Ilya Demutsky
Interprétation August Diehl, Max Bretschneider, David Ruland, Frederike Becht, Mirco Kreibich, Dana Herfurth
Production CG Cinéma, Lupa Film, Arte France Cinéma
Distribution Bac Films
Durée 2h16
Sortie 22 octobre

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