
Marseille : le théâtre ou la vie
ActualitésFestivalsFIDMarseille - Festival International de Cinéma de Marseille
Publié le 19 septembre 2023 par
FESTIVAL. L’éclectisme grandissant du FIDMarseille a provoqué, du 4 au 9 juillet, le tremblement de quelques plaques tectoniques du cinéma et la découverte d’un grand premier film, celui de l’Autrichienne Martha Mechow.
Mais la véritable découverte de cette édition, injustement oubliée par le palmarès, est le premier film d’une jeune cinéaste autrichienne, Martha Mechow, Die Ängstliche Verkehrsteilnehmerin (ou, selon son titre international, Losing Faith), récit picaresque et féministe qui liquide la figure maternelle dans une jubilatoire scène d’ouverture avant de s’attacher aux pas de Flippa, partie à la recherche de sa sœur Furia dans une communauté de sorcières en Sardaigne. Elle y découvre un monde où les femmes vivent sans travail ni hommes, et ont des enfants dans le seul but de leur apprendre à devenir des êtres improductifs. L’ironie féroce du film doit autant aux actrices – Selma Schulte-Frohlinde dans le rôle de Flippa, Ann Göbel dans celui de Furia, ou encore Inga Busch en improbable « mère supérieure » qui n’hésite pas à sortir une tronçonneuse pour séparer l’enfant Jésus de la Vierge Marie – qu’à la mise en scène de Mechow, intégrant les mines déconfites des estivants locaux confrontés à ce sabbat démoniaque et décourageant toute réduction idéologique par d’hilarantes trouvailles, comme lorsque Flippa, un appareil dentaire dans la bouche, explique sa lecture de Jane Austen à un jeune homme. La cinéaste raconte s’être inspirée de l’œuvre de Charlotte Salomon, Vie ? ou théâtre ?, à laquelle son film emprunte sa structure narrative et ses couleurs lumineuses. De la peintre allemande, elle aura aussi retenu la vitalité exaltante propre à convertir la folie et le désespoir en puissance expressive.
Observer une petite troupe de jeunes gens inventer un théâtre existentiel pour combler le néant politique des mondes de l’art (Riccorda ti che un film comico de César Vayssié), ou bien laisser la vie déborder des gestes anodins pour se raconter l’air de rien (Dans le silence et dans le bruit de Clément Roussier et Hadrien Mossaz, Grand Prix de la compétition française) : au FID cette année, il n’y avait plus lieu de choisir entre vie et théâtre.
Alice Leroy
Article à retrouver dans le n° : 801
- Page : 66
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