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La clef des songes

© Cahiers du Cinéma
25 avril 2025 à 11:45

La clef des songes

Idées Fixes / Dies Irae d’Antoinetta Angelidi (1977)

FESTIVAL. Invitée d’honneur, en décembre dernier, du 13e festival du film d’avant-garde d’Athènes, Antoinetta Angelidi est revenue sur son parcours à l’occasion d’une master class, où la puissance de l’analogie entre peinture et cinéma s’offrait comme la clef d’une oeuvre à nulle autre pareille.

Au creux de chaque plan d’Antoinetta Angelidi se cache une peinture, parfois comme une citation, plus souvent comme une cicatrice. C’est un tableau de René Magritte qui, en 1972, alors qu’elle terminait ses études d’architecture, la convainquit de devenir cinéaste. La Clef des songes, comme La Trahison des images, lui était alors apparu comme un rébus d’images et de mots manifestant une douleur inexprimable. Puisque Magritte dissimulait dans ses tableaux des tragédies intimes – la mort de sa mère et l’avortement de sa compagne –, il devenait possible de raconter le cauchemar de l’enfance dans ses propres images.

Dès son arrivée à Paris, où elle s’exile pour échapper à la dictature et étudier à l’Idhec, le cinéma est une matrice de démontage et remontage introspectif de la peinture classique et moderne. En France, Angelidi rencontre la deuxième vague du féminisme, la psychanalyse de Luce Irigaray, et la sémiotique de Christian Metz. Toutes ces influences se trouvent enchevêtrées dans son film de fin d’études, Idées fixes/Dies Irae (1977), essai de déconstruction du genre qui évoque un remake godardien de la série de John Berger Ways of Seeing sur la BBC. Sauf qu’Angelidi travaille moins à la critique des images qu’à l’exploration de leur inconscient. Avec Topos (1985), inspiré par un autre peintre surréaliste, Giorgio de Chirico, dont une enfant au cerceau a quitté la toile pour rejoindre le film, on entre dans le régime de l’allégorie. Le film tout entier est devenu un palimpseste d’images, avec une femme en armure empruntée à Leonor Fini, une mise en scène invoquant Le Rêve de sainte de Ursule de Carpaccio, ou des corps bleutés tout droit sortis des toiles de Balthus. Traversés par ces tableaux puissamment oniriques, les films d’Angelidi ne cesseront plus jamais d’explorer les paysages inquiétants de la féminité.

Alice Leroy

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