Actualités/

Silhouette Festival, lumière dans l’ombre

Les Habitants de Maureen Fazendeiro (2025).

Silhouette Festival, lumière dans l’ombre

ActualitésFestivalsSilhouette Festival

Publié le 3 octobre 2025 par Mathilde Grasset

Vingt-quatre ans après sa création par un groupe d’étudiants, le festival de courts métrages Silhouette reste soucieux d’éclectisme, du cinéma d’animation aux clips en passant par le documentaire, le cinéma expérimental et les films d’école.

Le cinéma « silhouetté » tel que le dessine la programmation du festival s’avère d’abord hybride, nourri d’expérimentations. Tandis qu’en off des employés vénézuéliens, kenyans et philippins expliquent leur travail, les images de Their Eyes de Nicolas Gourault sont celles qu’ils dissèquent et décrivent sur ordinateur pour alimenter l’algorithme des voitures autonomes américaines. À partir d’innombrables photographies urbaines, ils délimitent manuellement et nomment les formes, « humain », « poteau », « végétation », façonnant une vision schématisée d’un monde qui leur est inaccessible.

Dans Les Fenêtres d’Elsa Pennacchio, Étienne de Villars et les six participants à leur atelier en milieu carcéral, crédités à part égale, les récits de ces derniers s’illustrent dans les encadrures, théâtres fantasmagoriques de leurs ombres, interfaces entre un ailleurs et leur enfermement.

La silhouette cinématographique est donc bel et bien politique, avant tout dans sa part d’invisibilité : Les Habitants de Maureen Fazendeiro superpose aux activités quotidiennes et muettes de villageois anonymes une voix off au ton étrangement neutre, adressée comme une lettre, décrivant la vie ostracisée d’une communauté de Roms qu’on ne verra jamais.

Lire aussi : “Les films de la 34e édition du festival Côté court de Pantin ont manifesté un mal-être diffus et anti-dramatique.”

Dans les images d’archives retrouvées par Theo Panagopoulos, dans The Flowers Stand Silently, Witnessing, la Palestine des années 1930 et 40 filmée par un missionnaire écossais est comme vidée de sa population, à peine aperçue entre les images de plantes et de colons.

Le cinéma d’animation était fièrement représenté dans la sélection, car la silhouette est aussi, par définition, ce qui se dessine à partir d’une ombre et se découpe dans le papier. Dans le très beau Puriykachay, Rocío Quillahuaman fait défiler son petit personnage sur des photographies en noir et blanc de Rome, au rythme d’une voix off fine et enlevée qui interroge parmi les vieilles pierres son identité d’immigrée. Dans l’intervalle des images pleines de la ville photographiée ou filmée, la figure ludique en graphite sur fond blanc cadence mine de rien un discours existentiel, y compris pour le cinéma lui-même : « Je sens que je suis quelqu’un quand je suis immobile, et que je deviens quelqu’un d’autre quand je me mets à marcher. »

Mathilde Grasset

Partager cet article

Anciens Numéros