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L’Étranger de François Ozon

L’Étranger de François Ozon (2025). © Gaumont

L’Étranger de François Ozon

ActualitésCritique

Publié le 29 octobre 2025 par Marcos Uzal

L’Étranger de Camus, roman inadaptable sur lequel même Visconti s’est cassé les dents, oblige François Ozon à une forme de sécheresse et de retenue qui décevra peut-être ses admirateurs.

Pourtant, Ozon n’est peut-être jamais autant lui-même que lorsque, délaissant les fantaisies factices, il retrouve un peu de la froideur et de la cruauté de ses courts métrages. Cet Étranger nous inspire des sentiments contradictoires que l’on peut résumer à ce que produit son utilisation du noir et blanc. D’abord, ce choix va dans le sens de la noirceur du roman, en rendant le paysage algérien tranchant, minéral, baignant dans une lumière aveuglante. On y ressent la matérialité agressive du monde qui écrase les humains, pèse sur leur volonté.

Le noir et blanc, comme dans Frantz, ancre aussi le film dans l’époque de son récit, le début des années 1940, et Ozon retrouve quelque chose du cinéma français d’alors : une forme de réalisme poétique sordide, avec ses ingénues dépassées (le personnage de Marie, interprété par Rebecca Marder), ses salauds intégraux (Raymond, incarné par Pierre Lottin) et ses désespérés pathétiques (le voisin campé par Denis Lavant en ignoble gouailleur).

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Là, le film prend des allures de qualité française un peu rance, pétrie de désillusion cynique à la Duvivier ou Clouzot, ce qui est somme toute une lecture possible du roman. Enfin, de manière assez contradictoire avec le reste, le cinéaste ne peut s’empêcher de chercher du glamour dans toute cette désolation (le noir et blanc aidant à fétichiser les coiffures et costumes d’époque), tout en érotisant Meursault (Benjamin Voisin), sa peau, son corps, ses gestes, et même son crime. Là, on s’éloigne de Camus, qui s’en tient au flux de conscience de son protagoniste, mais on est bien chez Ozon, où le voyeurisme pointe toujours.

Marcos Uzal

L’ÉTRANGER
France, 2025
Réalisation François Ozon
Scénario François Ozon (avec la collaboration de Philippe Piazzo)
Photographie Manu Dacosse
Son Emmanuelle Villard
Musique Fatima Al Qadiri
Production Foz
Distribution Gaumont
Durée 2h02
Sortie 29 octobre

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