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Lussas, les voies de la résistance aux États généraux du film documentaire

À Gaza de Catherine Libert (2025).

Lussas, les voies de la résistance aux États généraux du film documentaire

ActualitésFestivalsles États Généraux du Film Documentaire

Publié le 3 octobre 2025 par Olivia Cooper-Hadjian

En août, les 37e États généraux du film documentaire ménageaient des échos entre des réalités politiques distantes.

Les films de la section « Histoire du documentaire », programmée par Federico Rossin et consacrée cette année au cinéma ouest-allemand des années 1970, abordaient autant l’histoire que l’historiographie.

Dans Der Hamburger Aufstand Oktober 1923 (1971), Klaus Wildenhahn, Gisela Tuchtenhagen et Reiner Etz reviennent sur un épisode oublié : une insurrection communiste réprimée à Hambourg un demi-siècle auparavant. Partant à la rencontre de survivants longtemps emprisonnés, le film substitue au didactisme linéaire une approche critique s’appuyant sur des citations théoriques.

Dans le bouleversant Tue Recht und Scheue Niemand (1975), Jutta Brückner donne la parole à Gerda Siepenbrink, sa mère, qui raconte en voix off une vie marquée par les guerres. Mêlant archives publiques et privées, le film se transforme lorsqu’il aborde un passé plus récent : des photographies élaborées en collaboration avec Abisag Tüllmann montrent alors Gerda rejouer les étapes de sa prise de conscience marxiste, comme si elle devenait enfin la protagoniste de sa vie.

Tue Recht und Scheue Niemand de Jutta Brückner (1977).

de Jutta Brückner (1977).

Dans le monumental Fluchtweg nach Marseille (1977), Ingemo Engström et Gerhard Theuring reparcourent le trajet du personnage du roman Transit (inspiration du film réalisé par Christian Petzold en 2018), dans lequel Anna Seghers puise dans son expérience de fuite en direction de Marseille après l’invasion nazie, pour échapper à l’emprisonnement par le régime de Vichy et à l’extradition. Se mêlent à ce pèlerinage un commentaire à deux voix, des entretiens avec des compagnons de route de la romancière et des scènes jouées par les comédiens Rüdiger Vogler et Katharina Thalbach, cette dernière évoquant aussi sa relation à l’œuvre. Par la multiplication des points de vue et des approches, le croisement des faits et de la fiction, l’Histoire retrouve ses liens avec le présent, redevient une matière à travailler sans relâche.

L’édition fut aussi marquée par les actions du collectif La Palestine sauvera le cinéma, formé l’année passée à Lussas par des festivaliers estimant que les évocations de la guerre à Gaza manquaient cruellement dans la programmation. Les leçons en furent tirées cette année, quatre séances y étant consacrées. Autant de tentatives de redonner corps à une population déshumanisée par le suprémacisme du gouvernement israélien, à travers différentes approches.

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Dans With Hasan in Gaza (2025), Kamal Aljafari propose un retour vers le passé en exhumant des rushes tournées là-bas en 2001, images presque anodines devenues traces terribles de ce qui n’existe plus, et des antécédents du génocide. Dans À Gaza (2025), Catherine Libert utilise des images filmées par des journalistes gazaouis, avec la volonté d’éveiller les consciences en les confrontant directement à la violence, quitte à tomber dans le sensationnalisme en multipliant les plans montrant des enfants blessés ou morts.

En marge de ces propositions « officielles », le collectif a organisé plusieurs événements, notamment une discussion passionnante avec le cinéaste israélien exilé Eyal Sivan, reprenant les thèses exposées dans son ouvrage coécrit avec Armelle Laborie (Un boycott légitime : Pour le BDS universitaire et culturel de l’État d’Israël, La Fabrique, 2016), et une AG visant à explorer les voies concrètes de la résistance au présent par des festivaliers constatant que les films et les discours n’ont, jusqu’à présent, produit aucun effet notable.

Olivia Cooper-Hadjian

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