Actualités, Critique, Festival de Cannes 2025, Séances spéciales 2025Arco d’Ugo Bienvenu et Planètes de Momoko Seto
La diffraction du dessin
Le premier long métrage d’animation d’Ugo Bienvenu, présenté dans la section Séances Spéciales, est l’une des belles découvertes de la sélection, science-fiction simple et ambitieuse qui part en quête des origines du dessin et d’une nouvelle humanité.
Le personnage éponyme d’Arco, un petit garçon du futur, voyage dans le temps et retourne par erreur, alors qu’il voulait voir les dinosaures, à une époque moins lointaine pour lui, en 2075, au moment où l’humanité n’a pas encore mis la Terre « en jachère », ne vit pas encore dans des maisons autonomes, en haut des cimes, ne sait pas encore parler aux oiseaux. Il découvre une société toute robotique arrivée presque à son terme, qui se protège comme elle peut d’épisodes climatiques extrêmes. Tout va bien de toute façon : dans ce récit utopique, où l’on sait dès le départ que l’humanité a su se réinventer, place est faite à une aventure moins tonitruante que les récits de fin du monde, articulée autour d’un phénomène infime, celui de la diffraction de la lumière. Pour traverser le temps, Arco revêt une combinaison spéciale et, une fois élancé, se transforme en arc-en-ciel. Contre toute attente, il n’y a rien de kitsch là-dedans, car le voyage temporel déforme le personnage au point de le faire apparaître ni plus ni moins comme ce qu’il est par essence : une créature de couleurs.
Si, comme tous les enfants, Arco fantasme la préhistoire, le film s’attache ainsi lui-même à explorer ses propres origines, fondamentales et inatteignables : l’arc-en-ciel, palette de l’animateur, révèle aussi en la décomposant de quoi est faite la lumière, que le cinéma d’animation, contrairement à la prise de vue réelle, n’a pas besoin de capter pour créer ses images. Pour rentrer chez lui, Arco utilise un prisme que trois frères très attardés lui ont dérobé (Vincent Macaigne, Louis Garrel et William Lebghil prêtent merveilleusement leur voix à ces clowns éberlués). Pour y parer, Arco et Iris, la petite fille au nom éloquent qu’il rencontre en 2075, créent artificiellement avec un tuyau d’arrosage un arc-en-ciel dans le jardin ; les frères, cherchant à filmer la scène en cachette, oublient d’allumer la caméra au moment où Arco décolle. Du côté du bricolage de la lumière comme de son enregistrement photographique, c’est l’échec, comme si, pour être opérants, les arcs-en-ciel devaient avant tout se manifester comme une décomposition du dessin et non de la lumière, une invention propre au cinéma d’animation.
Programmé à la Semaine de la critique, Planètes de Momoko Seto, film d’animation aux techniques multiples (time-lapse, hyper ralenti, ultra macro, robotique), trouvant au plus près de la vie des espèces végétales et animales l’originalité de sa forme, suit le périple de quatre graines de tournesol en quête d’une terre fertile, et fait récit, à leur niveau, d’une recréation du monde ; Arco, en remplaçant les peintures pariétales par les dessins d’un robot de 2075 en fin de vie, anéanti par un incendie géant, fait de cet état du monde, proche du nôtre, une nouvelle préhistoire. Dans les deux cas, une genèse est visée : l’animation, pendant des fictions de destruction et de leur cynisme, semble prendre discrètement en charge, sans le dramatiser (à hauteur de graine, ou actant une révolution passée depuis longtemps), l’imaginaire du futur.
Mathilde Grasset
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