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Naked Acts, éthique de l’amour

© Cahiers du Cinéma

Naked Acts, éthique de l’amour

ActualitésFestivalsFIDMarseille - Festival International de Cinéma de Marseille

Publié le 14 septembre 2024 par Alice Leroy

REDÉCOUVERTE. Restauré par l’irremplaçable Milestone aux États-Unis et présenté au dernier FIDMarseille, le film de Bridgett Davis est enfin visible en France après quelque trente ans d’oubli.

Comme il arrive souvent aux femmes, et plus encore aux femmes noires, Bridgett Davis n’a tourné qu’un seul film. C’est dans l’écriture de romans et d’essais qu’elle s’est affirmée. Naked Acts, dont elle a aussi signé le scénario et assuré la production en 1996, adresse pour- tant des questions essentielles à l’histoire du cinéma aussi bien qu’à la place qu’y occupent les femmes. Son personnage principal, Cicely (Jake-Ann Jones), marquée par le poids d’une filiation difficile à porter – une mère icône de la Blaxploitation et une grand-mère comédienne à laquelle étaient seulement accessibles les rôles d’esclave ou de domestique –, aspire à trouver sa place dans cette lignée d’actrices.

De retour à New York, elle se confronte à Lydia Love, sa mère, perplexe à l’idée de la voir embrasser une telle carrière (« Ils te feront jouer une pute ou une vamp noire exotique »), et tente sa chance dans le cinéma indépendant. Hélas, même fauché, le cinéma d’auteur veut déshabiller les actrices. Ces « scènes de nu » (naked acts) sont moins l’occasion de pointer la médiocrité d’un cinéma en panne d’inspiration que d’explorer le trajet d’une émancipation, celui d’un corps empêché – abusée par un compagnon de sa mère alors qu’elle était adolescente, Cicely a longtemps été en surpoids avant de maîtriser un corps qui lui est presque étranger.

Comme Kathleen Collins avant elle (Losing Ground, 1982), Davis revisite les motifs de la Blaxploitation pour définir sa propre voie dans l’histoire d’un cinéma noir. Lydia Love, égérie bien peu maternelle aux airs de Tamara Dobson, tient un petit vidéoclub. Elle arbore encore une coupe afro quand sa fille porte des perruques lisses et des vêtements sages. Pour qu’elle cesse de juger sa mère, il faudra que Cicely comprenne enfin que la nudité n’est pas une marque d’infamie mais une question de regard. Ce n’est pas son amant piètre cinéaste qui l’amènera à cette prise de conscience, mais une autre femme, photographe (Renee Cox, photographe de renom dans la vie) dont la nudité assumée dans une belle scène aux bains publics ou dans des auto-portraits en majesté enseigneront à Cicely l’amour de soi.

Alice Leroy

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