Actualités/

Emilie Dequenne à propos de Rosetta

© Cahiers du Cinéma

Emilie Dequenne à propos de Rosetta

Actualités

Publié le 17 mars 2025 par La rédaction

HOMMAGE. À l’annonce de la disparition d’Émilie Dequenne, nous partageons ses propos tenus à la sortie de Rosetta dans les Cahiers d’octobre 1999 (Cahiers nº 539).

Je me suis construit l’histoire de Rosetta petit à petit, dans ma tête, et sans en parler à personne j’imaginais que sa mère l’avait eue très jeune, que le père était parti. Sa mère l’avait élevée, seule, et, très vite, Rosetta était devenue la mère de sa mère.  J’interprétais ses maux de ventre comme une traduction physique du manque de père, la chaleur et la tendresse qu’elle n’avait pas connues.

Je n’ai pas beaucoup préparé mon rôle, j’ai attendu de la connaître, d’en parler avec les frères. Il ne faut pas trop réfléchir avec un personnage qui est si vrai. J’ai été très effrayée à la lecture du scénario car le rôle est si réel qu’on se dit qu’on ne peut pas le jouer, seulement le vivre. Je ne voyais pas les rushes. C’était un choix des frères, et je leur faisais confiance. Si je m’étais vue, j’aurais peut-être cherché à modifier certaines choses qu’ils ne voulaient pas voir changées. Le fait de ne pas rentrer chez moi pendant tout le tournage m’a aidée à rester dans l’univers de Rosetta, ainsi que les costumes. Mais je n’étais Rosetta qu’à partir de « Moteur ! ». J’essayais de vivre les situations, et de découvrir les choses en même temps qu’elle. Je n’avais aucun mal à m’en défaire à la fin de la journée. J’avais, comme elle, mon petit rituel en rentrant à l’hôtel : j’enlevais mes chaussures, je faisais couler un bain, et j’appelais ma mère en lui demandant de parler d’autre chose.

Les scènes où il faut parler, faire des choses lentes ou ne rien faire du tout, sont celles qui m’ont le plus pesé. Je préférais de loin les scènes physiques : courir, se bagarrer… J’aime les rôles féminins physiques, Anne Parillaud dans Nikita, Emily Watson dans Breaking the Waves, ou encore l’actrice Cameron Diaz, qui n’hésite pas à jouer de son corps, à se rouler par terre, à aller à l’encontre de sa beauté. Les rôles intérieurs, sombres, m’attirent également. Je ne suis pas très machiavélique, et j’aimerais jouer des psychopathes, des névrosées. J’ai vu Les Griffes de la nuit à l’âge de huit ans. Traumatisée, j’ai plus tard décidé de surmonter cette peur en me confrontant, toute une soirée, seule chez moi, à une pile de cassettes vidéo de films d’horreur. Tout était normal en me réveillant le lendemain matin. Tout cela n’était que du cinéma.

Propos recueillis à Paris, le 1er septembre 1999, par Clélia Cohen et Jérôme Larcher.

Partager cet article

Anciens Numéros