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Les films de la 34e édition du festival Côté court de Pantin ont manifesté un mal-être diffus et anti-dramatique.

Photogramme de Montagne sans garçon, film de Vega Babinet.

Les films de la 34e édition du festival Côté court de Pantin ont manifesté un mal-être diffus et anti-dramatique.

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Publié le 15 juillet 2025 par Mathilde Grasset

La profuse sélection de court métrages du festival, fer de lance du jeune cinéma, a mis les spectateurs face à la solitude de plusieurs jeunes personnages.

Si Édouard Sulpice, présent dans trois films de la compétition Fiction, est depuis plusieurs années un « acteur pantinois », c’est sans doute parce qu’il incarne, à la fois benêt et lucide, volontaire et triste, la solitude comme un état de fait plutôt qu’une marginalité comique stylisée. Dans Les Tracances (Victor Boyer), où il vient passer quelques jours dans le Lot chez les parents d’un ami, il semble à la fois disponible et imperméable à la rencontre.

Suzanne de Baecque, dans Le Pont du vaisseau (Robin Zimmer), campe une solitaire plus décomplexée, souvent brusque : retranchée avec sa canne à pêche sur le peu touristique quai d’Austerlitz, elle aspire à quitter Paris tout en imposant à l’image sa grande silhouette déterminée et désabusée. Cette nouvelle génération d’acteurs et d’actrices ne poétise plus la fuite.

Bel Companho de David Ingels (2025).

Édouard Sulpice et Simon Bertin Jaulin dans Bel Companho de David Ingels (Festival Côté Court, 2025).

Bel Companho (David Ingels) joue du trouble, en redoublant les hésitations caractéristiques de Sulpice par une tonalité incertaine. Deux personnages marchent dans la forêt, en rencontrent un troisième ; les répliques, à la lisière de l’insignifiant, répétitives, tombent dans le silence. On craint un retournement fantastique ou horrifique, mais l’étrangeté vient de la présence de la forêt dont le déboisement désespère les promeneurs. Bel Companho est littéralement crépusculaire : son avant-dernier plan abandonne les humains et attend longuement que le soleil passe derrière une montagne. Rien de plus anodin et transcendant à la fois que la tombée de la nuit, mais celle-ci a quelque chose d’une disparition moins cyclique.

À l’inverse du pôle indolent du jeu contemporain, Céleste Brunnquell, dans Montagne sans garçon (Vega Babinet), est toute en nerfs, fébrile et directe. En deux plans fixes akermaniens, elle exécute une routine matinale au bord du déraillement. Le personnage se prépare pour aller se faire avorter ; l’événement est immergé dans la dramaturgie instable et obscure de dix minutes de vie. De différentes manières, le quotidien se fait le porteur d’un désarroi lancinant, qui sonne comme une émotion d’aujourd’hui.

Mathilde Grasset

 

 

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